dimanche 27 mars 2011

I said do you wanna be my girl





Les causes en sont multiples et encore mal comprises. On sait que la fatigue, le stress physique et/ou psychique, les excitants (alcool, tabac, café, thé), certains bruits permanents ou anormaux, l'éclairage stroboscopique ou le jeûne peuvent favoriser l'apparition d'une crise.

J'ai ressenti les premiers symptômes il y a quelques semaines. C'est toujours le cas. Je venais d'arriver dans la ville, l'alcool et la chaleur, la musique et la sueur. Je sentais l'effet des répétitives percussions sans réellement y prêter attention. J'ai rapidement croisé la route de quelques déguisements, de quelques fantaisies, j'hésitais à me joindre à eux. Par peur que cela me monte à la tête, comme souvent. Car les nuits de Rio tournent.

Puis la semaine reprenait et je regagnais mes esprits. Pas d'hallucinations, pas de convulsions. J'ai tenu comme ça plusieurs jours, et puis le carnaval a commencé. On m'a poussé dans les bras d'une femme mais j'ai fini dans ceux d'une autre. J'avais les yeux trop plein de buée. Au milieu des cris, elle m'a dit que l'embrasser n'avait aucun sens. J'ai divagué, mais ce n'était qu'un court moment, je crois.

La folie a repris. J'ai monté des allées bohèmes pour aller m'étouffer de nouveau dans des répétitions de percussions, par ici, par ici. Tout le monde parlait avec tout le monde, peter pan avec jésus, facebook chat avec jack sparrow. Je garde en souvenir des mouvements et des moments. Cela n'avait aucun sens. La musique avançait, et je m'écrasais avec la foule. Mais la folie ne s'est pas arrêtée.

La musique avançait et nous avec, nous avons tourné et la musique avec. J'ai suivi la femme mariée. J'ai pris part à son rythme, mais ce n'était qu'un court moment, je crois. J'ai retiré ma couche, ma tête de plus en plus, brulait. Le carnaval m'a eu mais ce n'était pas vraiment ma faute. J'ai eu ma première crise.

J'ai continué à chanter, car je suppose que c'est comme cela que ça marche. Je suis resté bloqué, je l'ai appelée. Je suis rentré dans une vague mais c'était déjà trop tard, ma tête qui chauffait. La nuit est tombée. Je ne me souviens plus que de moments, et de mouvements. Ma tête tournait dans Rio, et tout ça n'avait aucun sens.

J'y suis reparti sans idées de fantaisie. La pression était trop forte, j'ai senti les premières convulsions. J'ai cru voir quelque chose. J'ai cru entendre quelque chose. S'est-elle occupée de moi. J'ai perdu conscience, du monde, du bruit, et alors que le char avançait je me fais piétiner par des gens que je crois nus.

Le dernier défilé, bien trop mélancolique, rassemblait les blocos les plus pauvres, et alors que leurs drapeaux s'envolaient sur l'avenue Rio Branco, je l'ai retrouvée pour perdre connaissance. Car les nuits de Rio tournent toutes autour d'elle.

Cachaça nao é agua nao (musique de carnaval)

Seu Jorge - Carolina

Norah Jones - The story

mercredi 23 mars 2011

Dans l'abîme des abîmés



«  Il me faut une vraie nature puisque la ville est passée de l'autre côté » Olivier Cadiot.


        Frappé par l'étendue, l'immensité de cette mégapole à la verticale. Démesure de l'horreur pour certains bâtiments, Dresde sans bombardements, où l'on entrevoit ces galeries d'intelligence, des lucarnes de création, à la verticale.
Ici l'intellectuel est roi, au royaume des musées, des centres culturels et des cinémas indépendants ; autoritarisme du branché, plaire et briller pour réussir. Il y a des heures pourtant où l'édifice vacille, du haut de sa tour qui brille, le golden boy réclame; à São Paulo l'intellectuel est roi si le trader le décide.
Frappante par son cloisonnement aussi, cloisonner la diversité pour mieux s'en réclamer. Ici telle chose se vend, telle autre plus loin, circonscrite là bas dans son coin. Là la vente de meubles sur des centaines de mètres, plus loin encore les enfilades de magasins de musique. Toujours l'un après l'autre, jamais l'un avec l'autre, l'un dans l'autre.

La ville est glauque, voire morbide, non au point d'oppresser mais assez pour ressentir une gène à chaque errant cracké croisé, à chaque mendiant qui te défigure pour n'avoir rien donné.
Les sourires et les visages sont à l'image des bâtiments du centre-ville, sans dents ou sans fenêtres, peuplés d'âmes inanimées, sans force sans joie, tombés dans le gouffre de ces drogues à sens unique, sans retour.
La rue à droite m'aura donné l'impression d'un refuge de lépreux, d'animaux assoiffés, laissés pour compte à même la crasse, arpentant les squats comme des charognes et quémandant de l'eau à en vendre leur mère.
Leurs gueules étaient noires de crasse et de vide, dans l’abîme des abîmés, des faces sans sens, noires contre ce mur blanc sale tatoué par la ville.
Du musée tout agencé au monde des futurs-morts il n'y a qu'un pas, d'une rue à l'autre, d'un regard à l'autre s'il en existe encore un chez lui qui cherche mes billets pour pouvoir se piquer.