dimanche 28 novembre 2010

Impressions de Barra

            


 Première chose, c'est loin, long et le reflet d'une ville en complet désordre.
D'entrée on est frappé par ces grandes barres HLM ( Habitat loyer maximum) où s'agglutinent les nouveaux riches désireux de fuir un Rio qu'ils trouvent infernal. Chez nous les pauvres s'entassent dans des tours et triste est celui qui habite au dernier étage. Ici c'est l'inverse plus on vit haut, plus on est grand, fort, beau et riche. C'est peut-être parce qu'ici les ascenseurs marchent...
Les belles plages et lagunes où s'amusent les jeunes aisés entre boites de nuit, surf et jet ski, paraissent exclusivement accessibles à une certaine frange. La route surplombe le rivage et les lacs à distance raisonnable pour ravir les yeux des touristes, sans laisser d'espoir aux pauvres qui prennent le bus pour rentrer chez eux ou aller au travail.
Barra da Tijuca vu d'un bus c'est un mélange entre la Grande Motte et une zone artisanale de banlieue, une sorte d'enchevêtrement raté de gigantesques magasins et d'immeubles colossaux aux formes géométriques pensées originales, en réalité difformes.
D'un côté de la route la Défense, de l'autre Castorama et Leroy Merlin et entre les deux des marécages encore peuplés d'alligators ( appelés ici Jacaré).
Barra c'est l'endroit le moins carioca mais le plus potentiellement brésilien. Si on pense à ce lieu, il pourrait devenir la plus belle base de loisirs du monde, à deux pas du centre-ville de Rio de Janeiro. A la place c'est devenu le lieu d'une outrageuse incitation à la consommation. Les centres commerciaux aux noms anglais : shopping par-ci, downown par là, resort de ce côté-ci, mall de ce coté là. Comble de l'ironie, devant le plus grand centre commercial d'Amérique du Sud ont a dressé une statue de la liberté. Vous vous rendez compte? Une statue de la liberté devant le temple de l'aliénation et de l'asservissement à l'image, à l'apparence. Dressez un buste de Nietzsche devant une église de scientologie pendant que vous y êtes !
Barra et Recreio semblent avoir pris le pire de la culture occidentale et délaissé les particularités de la culture brésilienne. L'apparence à la place de la spontanéité, le consumérisme contre l'appréciation du moment et l'humilité, l'entre-soi face au multiculturalisme.
Je ne suis pas allé là-bas souvent, une seule journée m'a suffit pour comprendre pourquoi les cariocas tradi détestent cet endroit isolé du reste de la ville plus par la barrière mentale que par la barrière géologique que représente les morros.  

Qui dit post critique, dit chansons d'opposition à la dictature : 


Chico Buarque - Cálice ( chanson dénonçant le rôle de l'Eglise)



vendredi 26 novembre 2010

Sainte Augusta


Je suis un homme malade... Je suis un homme méchant. Un homme repoussoir. Voilà ce que je suis.

Carnets du sous-sol, Dostoievski



Rio a Lapa, Sampa a Augusta.

J'ai rencontré Augusta à São Paulo, le premier soir. J'étais pas trop sûr de ce que je venais faire dans cette rue un peu glauque dont tous m'avaient parlé, quelques gens sur le trottoir où les lumineux buildings avaient laissé place à de vieilles baraques tranformées en night clubs. C'était la première fois que je la voyais, je descendais un peu la rue en me faufilant entre les prostituées et les hommes à crète. Lapa m'avait fait une première impression chaleureuse et gigantesque. Augusta m'a comme attiré dans ses filets d'une manière froide et fascinante. Plus je descendais dans son allée centrale, plus j'avais l'impression de descendre dans les sous-sols de la Terre. De plus en plus chaud, un chaud glacial, frigide.


Augusta changeait de visage pendant ma descente. Elle portait une robe en cuir noir, courte, quand j'arrivais. Elle avait maintenant les bras remplis de tatouages, le nez de piercings, et me bousculait lorsqu'elle passait à côté de moi. J'avais à peine saisi un morceau de sa nuque que j'étais déjà alcoolisé. Si Dieu descend danser la samba avec le peuple à Lapa, le diable t'attire chez Augusta et te fracasse contre de l'électro. Elle te donne envie comme ce jeune premier salement excité par sa première pute, comme si tu pouvais prendre une jeune fille naive et la descendre, l'enfoncer dans son malheur. Car ca te permettrait, toi, de plonger, et tu y prendrais du plaisir. Augusta est noire et inquiétante, sombre et provocante. Elle respire le pêché, on dirait qu'elle a été concue pour s'y perdre, avec un certain plaisir maso.


Augusta regroupe tous les jeunes un peu branchés de Sampa. Quand Lapa regroupe toutes les classes sociales, sans distinction, pour les faire entrer dans sa masse grouillante et joviale, Augusta garde le caractère élitiste de la métropole paulista. Le même qui voit la jeunesse dorée prendre l'hélico pour traverser la ville, le même qui donne envie à ces jeunes alternatifs d'entrer dans ce trash un peu plus à la mode.

Que se passe-t-il derrière ces murs? Que renferme les rires sarcastiques de la devanture de cette boite... Hahahaha, qui sinon le diable pour te trainer ici, sans relâche, jusqu'à ce que tu t'éprennes de sa créature, jusqu'à ce que tu y laisses ton dernier souffle. Lapa la belle mélancolique a laissé place à Augusta l'électrique. Dimitri le sensuel, l'incontrôlable, a été remplacé par Ivan, l'athée, le mal.


Est-ce qu'Augusta est surfaite, est-ce que les jeunes bourgeois qui veulent se défoncer la gueule sont les seuls qui tentent la séduire - est-elle désagréable ou bien fascinante, est-ce qu'elle m'intrigue ou me répugne, est-ce qu'elle m'attire ou me rejette, est-ce qu'elle me laissera me réveiller demain matin sans cette impression troublante et pâteuse d'avoir une inconditionnelle envie de la séduire, de la dominer.


Désolé pour les fautes d'ortographe et la qualité des photos.

samedi 20 novembre 2010

Copacabana : jour de plage

 Jeune brésilien bodybuildé lorsque le soleil est revenu ( applaudissement général) après un court moment nuageux :
"Jesus fez aparecer o sol. Puta que o pariu ! "  ( Jésus a fait apparaître le soleil. Sa mère la pute).





          Dans l'ascenseur lent de mon immeuble j'imagine l'effervescence de la rue d'en bas, la foule d'affamés se ruant sur les salgados du coin, les pâtisseries de l'autre coin et les churros du vendeur ambulant.
Chaleur étouffante, tout le monde sourit même ce travailleur qui transporte des bidons d'eau sur son triporteur. Le temps de marcher une centaine de mètres, me voilà sur l'avenida Atlântica. Elle prend tout son sens ce samedi où il faut zigzaguer entre les longboard et les vélos qui squattent cette route toujours bondée où les vans et les bus font normalement la loi.
Je me faufile entre les serviettes et trouve une minuscule place entre les deux familles des favelas qui jouent aux cartes et s'engueulent pour savoir quel gosse va pouvoir utiliser l'unique bodyboard défoncé.
Je n'entends pas un mot de leur conversation, le bruit des enceintes du tournoi de foot international d'à côté m'en empêche. Pour ce tournoi ils ont installé un pont au-dessus de la route pour relier la terrasse du Copacabana Palace aux tribunes du "Soccerex Football Festival".

Aujourd'hui tous les cariocas se sont retrouvés pour participer au rituel de l'après-midi plage. Les pauvres ramasseurs d'aluminium, les riches dandys qui sirotent sur des chaises longues et les familles métissées descendus du morro.  Peu nombreux sont les étrangers, le samedi d'été le brésilien reprend ses droits.
Parfois il y a des soubresauts qui pertubent ce calme d'un après-midi à 35 degrés. Les vendeurs de sandwichs    t'interpellent : "Hey Pschhhhh! Hey Pschhhhh! 4 reais sanduíche e coca. Beleza ?  ".
Il est relayé par ce gosse qui crie et me fait rire lorsqu'il passe et repasse en courant entre les chaises des pachas qui perdent leur sourire. Sa mère lui crie dessus, lui rigole, je regarde la famille un grand sourire sur la face et on se met tous à rire.
Ici sur Copa tout le monde se rejoint, se drague, se contemple, s'épie et se dit implicitement : " à toute à l'heure à Lapa ou peut-être à Samedi prochain".

Du son made in Brazil : Mc Marcinho - Glamurosa ( du Baile Funk la musique à la mode ici. )

 Seu Jorge - Tive Razão

La femme que tu aimes.

Lapa, 02:00.

Je l'ai rencontré dans la rue. Elle avait laissé ses amis un instant pour s'acheter les clopes qu'ils vendent à l'unité dans leurs botecas, et moi, moi j'avais prétexté une envie soudaine de chewing gum pour m'approcher. J'ai jamais été très doué pour les premiers mots, ni pour les premiers regards, et puis elle avait allumé sa cigarette d'une façon qu'on ne croit voir que dans les films. J'étais oxydé de séries américaines, j'ai trouvé ça sexy. Et puis elle est partie comme elle est arrivée, comme une bouffée de nicotine. J'ai crapoté. Je l'ai suivie. Je faisais les mêmes parcours qu'elle, je riais aux blagues de ses amies. Elles se sont arrêtées au café du coin où on joue de la samba à l'intérieur mais on l'on danse dehors. Elle a vaguement déplacé ses pieds d'une manière qui laissait présager qu'elle venait bien d'ici. Puis elle est repartie. Je ne sais pas si elle a senti que je la suivais, mais elle s'est retournée. Elle m'a offert un regard, quelconque ou presque.

Je ne savais comment continuer, aucune idée précise ne me venait. J'avais simplement envie de continuer, d'attraper quelques instants. Lorsqu'elle est rentrée dans cet endroit, j'ai globalement décidé que ça s'arrêterait là. Puis je suis rentré à mon tour. Il y avait bien trop d'espace pour prétexter me coller à elle alors j'ai simplement garder mon air mystérieux pour me différencier de ceux qui savaient danser. Ceux-là l'ont tous fait tourner, un par un, la vague de prétendants s'allongeait. Et elle les repoussait tous un par un, rejeté dans la masse comme ils y étaient entrés. Elle s'est approchée de moi, ou plutôt elle s'est approchée, j'avais presque atteint le moment de proximité que j'avais réussi à saisir tantôt. J'avais pensé à toute sorte d'approche mais la musique était tellement forte que je lui ai crié que plus je la voyais, plus je cherchais à la voir, plus je l'aimais. Elle a fait la moue pour m'exprimer son incompréhension devant mon accent, m'a bredouillé que j'étais français puis elle s'est éclipsée un peu plus loin pour un instant. L'instant d'après elle était dans les bras d'un autre homme. On aurait dit que l'amour avait été pour quelque chose dans cette tentative. L'amour, non! Une femme, peut-être. Lapa, certainement.


Elle est revenue. Elle s'est détachée des lianes du mâle et m'a parlé mais la musique était tellement forte qu'elle a utilisé les airs de samba pour me poser des questions banales. Elle m'a donné du mou pour m'exprimer qu'elle était d'accord, cette fois-ci. J'ai quitté la masse grouillante que j'avais l'impression de survoler. Elle m'a dit de l'inviter à danser. J'ai tenté de lui murmurer, mais je ne sais pas danser, j'étais déjà entraîné dans son mouvement. Elle m'a embrassé, j'ai bougé mes pieds d'avant en arrière, et mes hanches de gauche à droite. Elle m'a dit que c'était irrésistible, j'ai ri, en évitant bien de regarder tout le reste. Elle m'a dit qu'elle était gênée, alors je la suis lorsqu'elle me prend par la main pour m'emmener loin de la foule qui s'agite. Seuls dans la compagnie des autres j'ai du mal à saisir les mouvements de ses lèvres et le sens de ses baisers. Aujourd'hui encore je ne sais pas ce que signifiait ce murmure.

On est partis comme des adolescents, je lui tournais autour, je ne la laissais goûter que des bribes de ma bouche. Elle valsait sans quitter le trottoir, j'étais le marionnettiste. Dans ces moments-là je crois qu'un romantisme de bas étage vaut mieux que tout. Elle m'a pris la main. J'ai embrassé son épaule dénudée, en regardant au loin ses belles arcades. Dans la fin de la nuit, j'ai jeté un dernier regard à sa mélancolique agitation, à son tourbillon de vie. Mes poumons goudronnés, je l'ai laissé monter dans un taxi et elle est partie dans cette nuit comme elle y est entrée, comme une bouffée de nicotine.

Ma musique de samba préférée :

A flor e o espinho - Nelson Cavaquinho

jeudi 11 novembre 2010

Pensées nocturnes

       Il est trois heures du matin, je contemple Rio dormir profondément. En face de moi le Morro entouré d'énormes nuages rougeâtres qui m'entrainent dans leur vol lent et majestueux.
Les vrombissements lointains des engins à moteur sonnent comme le ronflement de la ville. Ils me rappellent qu'à tout moment elle peut se réveiller.
Les nuages m'emportent vers les dernières lumières allumées de l'immeuble d'à côté. Un noctambule à chaque étage. Mon regard remonte progressivement l'immeuble; j'entrevois des mains, des bras, des jambes, des formes bizarres qui déambulent sans aucun sens au milieu d'appartements joliment miteux.
A la fenêtre, le carnet à la main, je me demande si je suis le seul à espionner les autres, à les scruter, à les écrire.
Suis-je le seul que Rio inspire ce soir ? Peut-être suis-je moi même un personnage insignifiant dans le récit des mes compagnons d'insomnie ?
Je pars éteindre la lumière et laisse tomber la nuit ocre sur la petite cellule qui me sert de chambre, avec l'impression que l'on m'épie, que pour quelqu'un je ne suis qu'un rien au sein de son tout.  


Céu - Malemolencia                  Shad - Rose Garden


Attention, sol glissant


Pardon, je vais encore parler du conflit social, riches/pauvres, alors qu'on en parlait déjà et . Mais ça me trotte dans la tête, et puis c'est un petit bout de vie à Rio qu'il est essentiel de partager.




Samedi soir, 17h. On est invités à une grillade chez des mecs en cours d'administration de notre université. C'était à Alto Leblon - Leblon quartier le plus riche de Rio (du Brésil?), très blanc et très tendance (source: wikipédia). Alto Leblon c'est en fait un endroit où se sont réfugiés – c'est le mot - les personnes d'un certain revenu, puisqu'il n'y a que des condominios, c'est à dire des gated comunities, sécurités, gilets pare-balles, tout ça. On avait déjà visité un truc comme ça pour un appart : piscine(s), terrain de foot, bibliothèque, supermarché, tout est fait pour y rester. On était prévenus, mais on se disait, non, mais on ne les connait pas, ça peut être sympa.



En fait, j'ai passé une partie de la soirée à me demander pourquoi je ne les aimais pas, qu'est ce que j'avais contre eux, ou plutôt pourquoi je me sentais mal à l'aise. C'est con, parce qu'ils sont vraiment sympas, accueillants – et puis j'ai jamais autant parlé mal de quelqu'un, ça me déplait. J'avais pas envie de faire le mec, je suis l'ami des pauvres, tiens, un mec qui jette ses bouts de viande par terre, alors que des gens meurent de faim, monde cruel. Puis je me suis rappelé quand même qu'on était face aux futurs grands de la nation. Meilleure fac d'administration d'Amérique latine. Il y avait sûrement là un futur président, ou du moins les gens qui compteraient pour le Brésil. Dans le genre, j'ai vu chez une personne une photo de JFK avec un petit mot doux de ce dernier sur une étagère : "Ah bon, t'es la petite fille d'un ex-président, enchanté, moi c'est Lucas", monde cruel. Et là, je me suis rappelé que ces mecs avaient tout été voir Troupe d'élite 2, le film dont parle Laurent dans « Ouvrez les yeux », qui raconte comment les politiciens sont corrompus. Et qu'ils l'avaient tous adoré, que ça les avait choqué, non mais comment on va s'en sortir, les politiciens sont tous des pourris, tout de façon j'ai voté blanc en signe de contestation.



Mais mec, ces mêmes personnes vont accéder au pouvoir dans un certain temps, et vont refaire la même chose. Pourquoi? Parce qu'ils ont passé leur jeunesse no Alto Leblon, tout en haut du haut du haut du condominio. Ah oui, parce que la fête était dans la « zone de loisir » d'un immeuble, petit espace privatif tellement énorme que quand toi tu dis, « j'ai un appart à Paris où on peut aller sur le toit », tu passes pour un con. Non mais attends, tu prends un ascenseur au milieu du jardin pour y aller, comme si ça leur suffisait pas d'avoir 3 piscines. La vue de là-bas est vraiment significative : tu vois la plage d'Ipanema, en tout petit, parce que tu es très loin et très haut, et tu vois Rio, vaguement, caché par les arbres, par une petite fenêtre. Tu ne vois rien et tu ne veux pas voir. Et ça te va très bien de voir le reste du monde derrière tes branches.


Alors oui, mon école coûte 12.000 euros par moi mais je suis un mec humble, d'ailleurs tiens regarde, je parle avec le gardien et en fait c'est mon pote le gardien. Tu ne vois rien car chez toi tout peut se résoudre avec l'argent. Oh oui, c'est terrible le trafic de drogue. Est-ce que tu savais que des mecs-là n'avaient sûrement jamais pris le bus de leur vie? Hier soir on est arrivés et on s'est dit mon dieu, c'est fou cet endroit. Marin a trouvé ça tellement fou qu'en repartant il a volé un panneau « attention sol glissant » parce qu'ils sont quand même plus beaux ceux qu'ils ont. (Suite de l'histoire : Marin avait été filmé par la caméra de surveillance et a donc été réprimandé)


Pourquoi dire tout ça? Je ne sais pas, parce que ça me gêne de porter un jugement critique sur eux simplement parce que ce sont des gens terriblement riches. Mais finalement, ce ne sont pas que ça – ce sont des gens terriblement hors de la réalité. Ce ne sont pas eux qui me gênent, mais leur condominium à 500m de hauteur qui montre bien qu'ils ne souhaitent pas descendre de leur piédestal. Les futurs ministres ont des œillères, et leurs lunettes de soleil les empêchent de voir comment est le Brésil d'en bas – pas besoin d'y descendre de toute façon, on se fait livrer.


Allez, plus gai, une super playlist musicale à écouter si vous voulez sortir un peu du début de l'hiver :


jeudi 4 novembre 2010

C'est pas l'homme qui prend la ville, c'est la ville qui prend l'homme


"A cidade do Rio é uma pessoa com poética e com desejos proprios. Ha cidades que se movem sem rumo, mas o Rio resiste com suas esperanças e ilusões" Arnaldo Jabor
"La ville de Rio est une personne avec une poétique et des désirs propres. Il y a des villes qui se mouvimentent sans direction, mais Rio résiste avec ses espoirs et ses illusions"


Si tu vas à Rio, ta première vue est celle de l’aéroport, ces chaînes de montagne qui sous les nuages te laissent déjà rêveurs, mais dont la tranquillité semble trop ailleurs
Si tu vas à Rio, tu trouveras aux départs un taxi qui ne sera pas un escroc, demande-lui quel est son club de foot, s'il dit Flamengo c'est que t'aurais du prendre le métro
Sur le chemin jusqu'à la ville, prends garde à la zone Nord, à ces panneaux sonores qui te protègent des favelas que tu ne connais pas encore, à ces murs symboliques qui séparent le dedans du dehors
Si tu vas à Rio, commence par le Centro ; écrasé par les monuments historiques, tu les verras mêlés aux bâtiments pleins de fric ; sous les petits drapeaux du Saara, tu te mélangeras à la masse qui grouille, et aux senteurs qui en découlent. N'y reste pas trop tard, car l'agitation du jour n'a d'égal que le silence de sa nuit
Tu partiras par Catete, où le traditionnel de leurs maisons fait écho aux sourires sur leurs têtes
A l'Aterro du Flamengo, on te dira de ne pas t'aventurer seul ; mais la vue de la baie te fera rester un instant sous le paisible des palmiers
Mais si tu vas à Rio, reste un peu plus longtemps à Botafogo, tu t'y sentiras mieux qu'ailleurs ; car si Rio était un homme Bota n'est pas loin d'être son coeur
Deux artères principales, aux trottoirs agités, deux visages d'une même ville sont venus l'habiter
Et si tu manges un hot dog rue Volontarios da Patria, tu pourras y voir le sourire de la colorée Dona Marta
Si tu passes à Urca, salue le pain de sucre pour moi ; les singes qui l'entourent te feront entrer dans un Rio dont tu ne te doutais pas.
Si tu vas à Rio, Copa ne sera pas ce que tu préfères, mais derrière le Copacabana Palace, tu apprécieras tout de même une grillade et quelques bières
Suis les joggers jusqu'à Arpoador, ce rocher que les surfers squattent jusqu'à pas d'heure ; et après un coup d'oeil à la mosaïque lumineuse qui t'intrigue au loin, essaie de te frayer un chemin dans l'eau, entre tous les Marin
Si tu vas à Rio, passe par le Vidigal, et pour aller saluer ces gamins insupportables en cours de théâtre, il te faudra monter sur une moto un peu timbrée qui t'emmènera en haut, où la vue est la plus belle de tout Rio


Jette un coup d'oeil à la lagune avant de partir en soirée, tu verras entre deux montagnes l'amie Rocinha aller se coucher ;
Mais il se fait tard, et si ton ventre crie famine, arrête-toi dans un bar pour un mythique chalgad' plein d'huile.
Si tu vas à Rio, tu ne peux pas rater Lapa, et le bus qui t'y emmène est déjà dans une ambiance à part
A 23h, tu tentes de t'accrocher pour faire face aux secousses ; A minuit c'est au rythme de la samba que ta popozuda se trémousse
Entre les arcades et les grafs, sans faire gaffe au mouvement de tes pieds, les gens décompressent du taf pendant que tu tentes de trouver un espace entre tout ce monde qui s'enlace
Si les bâtiments tombent en ruines, les percus maintiennent l'endroit bien éveillé, et c'est au pied des marches de Santa Teresa, que le son du sax' ambré te rend mélancolique de la journée passée.
Mais si tu vas à Rio, tu finiras chez Chico, cette camionnette amicale où tu tripes entre potes autour d'un Cheese-tudo ; Et alors que sur le pain de sucre le soleil est en train de se lever, ton Rio s'endort au goût de ta dernière bouchée.




mercredi 3 novembre 2010

Obsession en commun

         Il y a une chose qui traverse mes nuits , mes rêves, mon sommeil, allez savoir pourquoi. Le métro et le bus , Paris et Rio. Ça n'a aucun sens et tout ça passe et repasse dans ma tête et m'obsède encore au réveil.
J'ai comparé le Brésil et la France, Rio et Paris en pensant aux moyens de transports et ma vie avec eux. Et j'ai saisi que l'âme de Rio se trouvait dans les bus, dans la folie des conducteurs, le flux continu presque insupportable des « ônibus » qui sillonnent la ville et qui malgré le trafic incessant paraissent rouler vite, très vite, trop vite. Le métro il ne vaut rien ici, il est propre, trop électronisé, personne ne parle, simplement il est pratique quand je vais en cours à sept heures du matin.
Quand je le prends je ne me crois pas à Rio, au mieux dans une ville surfaite de l'Asie Centrale où l'important c'est que ça brille et que tout se déroule comme prévu. Il n'y a ni bourrés, ni mendiants, pas de vrai musicien ou de faux chanteur. Il n'y a rien ni personne, aucune âme aucun intérêt.
Il n'y a pas l'odeur dégueulasse des bouches de métro parisiennes, ni la moiteur et la sueur sur les poignets à bascule du métro 4. Les veines de Paris ce sont ces lignes de métro qui perforent la ville, passent en-dessous de la Seine , entrent dans les catacombes et côtoient les égouts. Visiter Paris c'est connaître les roumains et leur mégaphone , les affiches publicitaires aux couleurs bien trop vives et au slogan bien trop fade , le désordre et le grouillement à l'heure de pointe.
Le sang de Rio de Janeiro quant à lui passe par les routes et s'écoule frénétiquement le long des voies à la fois envoûtantes et dégoutantes et aux noms introuvables sur les plans de métro : Perimetral , Avenida Brasil , Linha Amarelha , Linha Vermelha , Avenida Rio Branco , Rua Barata Ribeiro...
Passer le long des favelas et des cloaques nauséabonds de la Zone nord , traverser les étouffants tunnels de la zone Sud, acheter des cacahuètes ou des caramels aux vendeurs ambulants; tout ça sans jamais faire confiance à la dextérité du conducteur ni à la résistance du vieux moteur diesel.
Le bus c'est un condensé de la vie carioca parce qu'on aime sans jamais vraiment comprendre pourquoi et qu'à chaque voyage on attend l'inattendu.
Le métro c'est tout Paris, sa folie, sa belle laideur, sa beauté décadente et son cosmopolitisme.
Et toute la nuit, toute la journée les bus et les métros passent et passent sans cesse dans ma tête. Je ne sais si c'est les conséquences de la cuite d'hier,de la fatigue d'aujourd'hui ou des regrets de demain.



Não Me Deixe Só - Vanessa da Mata                          Buckshot Lafonque - James Brown I & II