vendredi 31 décembre 2010

Partir nulle part

          

            Nous voilà seuls étrangers dans le bus qui nous transporte lourdement vers là où nous voulons aller, quelque part loin d'ici. La décrépite et malade Salvador nous semble déjà loin à quelques kilomètres de son centre suintant la tristesse et cette odeur putride d'une ville qui a perdu confiance qui s'accroche à tout prix à son passé glorieux qu'elle gâche, qu'elle cache. Le présent de Salvador survit malade de son passé.
A chaque arrêt au bord d'une favela la même scène, la même valse de beaux jeunes hommes noirs qui frappent au carreau pour nous vendre de tout petits riens. La scène comique se transforme à chaque fois plus en une représentation fade, dramatique, larmoyante d'une jeunesse condamnée à nous faire croire qu'elle vend du bonheur en boite, en bouteille, en sachet. C'est du vent qui sort des ces boites qui souffle vers là bas où l'on doit aller, loin de ce simulacre . Salvador l'enchanteresse est devenue charlatan.

La route se durcit et le soleil rend de plus en plus aride les terres qui nous entourent. Le rouge remplace le vert, derrière la ville alimentée par les sillons de ces champs qui ne se remplissent jamais, jamais d'eau. Le rouge des collines, les premières grandes exploitations et ces enfants noirs au bord de la route, et blancs dans leur voiture et puis le rouge, le jaune et le rouge encore, de ces champs qui ont tué, encore marqués de cette histoire que l'on tente d'oublier.
Le sertão est là, ce quasi désert approprié par ces européens qui n'ont rien eu sur le littoral qui n'ont pas désespéré, certains de pouvoir vivre au milieu des cactus à l'ombre du vol lent des urubus.
Les premiers cow-boys apparaissent sans la grâce hollywoodienne mais palpables, réels presque trop vrais pour y croire. La musique presque country, les motos trop bruyantes et ce regard noir profond, strident, insensible au soleil qui a pourtant déjà tout brulé.
On ne sait pas où l'on se trouve, au milieu de nulle part en allant vers Serrinha notre possible destination, un lieu qui a résisté au temps, autant qu'il a pu.  



Ces musiques qui marquent un voyage :

The Budos Band - Chicago Flacon

Trombone Shorty & Orleans Avenue - One Night Only

vendredi 3 décembre 2010

Rhétorique irakienne.

Mes chers compatriotes !

«  Ce jour est historique pour notre ville, notre Etat, notre peuple. La République, la démocratie, la liberté ont aujourd'hui brisé le joug d'hommes sans foi ni loi qui détruisaient les espoirs d'une nation entière.
Il est temps de barrer la route à l'ignominie, la violence et l'infamie qui ont conduit inexorablement, inlassablement depuis vingt ans aux atrocités que nous connaissons. Ces atrocités elles n'existeront plus à partir d'aujourd'hui.
Considérons cette date comme le D-Day de notre lutte pour l'expansion des droits de l'homme. Ce que nous démontrons au pays, au monde mais surtout à nos adversaires c'est que nous sommes forts et que la force est intransigeante. La force est intransigeante d'autant plus qu'elle est mue par la vérité, la croyance en un avenir meilleur et par la certitude que grâce à nous tous, à notre effort commun, nos enfants vivront dans un monde plus sûr.
La bataille qu'a menée nos forces armées ( parachutistes, fusilleurs et police) hier et aujourd'hui est la preuve que nous sommes puissants, que notre Etat ne se laissera pas marcher dessus par des chefs illégitimes qui ne fondent leur pouvoir que sur l'oppression.
La guerre que nous entreprenons sera sûrement couteuse et éprouvante sur le moment mais les bénéfices de demain ne vaudront-ils pas au centuple le sacrifice d'aujourd'hui ?
Quand je vois le magnifique drapeau de notre pays flotter en haut de la colline, sur le toit du palais que s'étaient construits ces chefs de guerre grâce à l'argent sale, détourné de vos poches et des caisses de l'Etat, je ne peux m'empêcher d'y voir l'image d'un futur doré pour nous tous.

Que Dieu vous protège. Vive la démocratie! Vive la République! »


Ce discours est fictif ou peut être celui de Sérgio Cabral ( Gouverneur de Rio) cette semaine ou de George.W.Bush. En 2003.




dimanche 28 novembre 2010

Impressions de Barra

            


 Première chose, c'est loin, long et le reflet d'une ville en complet désordre.
D'entrée on est frappé par ces grandes barres HLM ( Habitat loyer maximum) où s'agglutinent les nouveaux riches désireux de fuir un Rio qu'ils trouvent infernal. Chez nous les pauvres s'entassent dans des tours et triste est celui qui habite au dernier étage. Ici c'est l'inverse plus on vit haut, plus on est grand, fort, beau et riche. C'est peut-être parce qu'ici les ascenseurs marchent...
Les belles plages et lagunes où s'amusent les jeunes aisés entre boites de nuit, surf et jet ski, paraissent exclusivement accessibles à une certaine frange. La route surplombe le rivage et les lacs à distance raisonnable pour ravir les yeux des touristes, sans laisser d'espoir aux pauvres qui prennent le bus pour rentrer chez eux ou aller au travail.
Barra da Tijuca vu d'un bus c'est un mélange entre la Grande Motte et une zone artisanale de banlieue, une sorte d'enchevêtrement raté de gigantesques magasins et d'immeubles colossaux aux formes géométriques pensées originales, en réalité difformes.
D'un côté de la route la Défense, de l'autre Castorama et Leroy Merlin et entre les deux des marécages encore peuplés d'alligators ( appelés ici Jacaré).
Barra c'est l'endroit le moins carioca mais le plus potentiellement brésilien. Si on pense à ce lieu, il pourrait devenir la plus belle base de loisirs du monde, à deux pas du centre-ville de Rio de Janeiro. A la place c'est devenu le lieu d'une outrageuse incitation à la consommation. Les centres commerciaux aux noms anglais : shopping par-ci, downown par là, resort de ce côté-ci, mall de ce coté là. Comble de l'ironie, devant le plus grand centre commercial d'Amérique du Sud ont a dressé une statue de la liberté. Vous vous rendez compte? Une statue de la liberté devant le temple de l'aliénation et de l'asservissement à l'image, à l'apparence. Dressez un buste de Nietzsche devant une église de scientologie pendant que vous y êtes !
Barra et Recreio semblent avoir pris le pire de la culture occidentale et délaissé les particularités de la culture brésilienne. L'apparence à la place de la spontanéité, le consumérisme contre l'appréciation du moment et l'humilité, l'entre-soi face au multiculturalisme.
Je ne suis pas allé là-bas souvent, une seule journée m'a suffit pour comprendre pourquoi les cariocas tradi détestent cet endroit isolé du reste de la ville plus par la barrière mentale que par la barrière géologique que représente les morros.  

Qui dit post critique, dit chansons d'opposition à la dictature : 


Chico Buarque - Cálice ( chanson dénonçant le rôle de l'Eglise)



vendredi 26 novembre 2010

Sainte Augusta


Je suis un homme malade... Je suis un homme méchant. Un homme repoussoir. Voilà ce que je suis.

Carnets du sous-sol, Dostoievski



Rio a Lapa, Sampa a Augusta.

J'ai rencontré Augusta à São Paulo, le premier soir. J'étais pas trop sûr de ce que je venais faire dans cette rue un peu glauque dont tous m'avaient parlé, quelques gens sur le trottoir où les lumineux buildings avaient laissé place à de vieilles baraques tranformées en night clubs. C'était la première fois que je la voyais, je descendais un peu la rue en me faufilant entre les prostituées et les hommes à crète. Lapa m'avait fait une première impression chaleureuse et gigantesque. Augusta m'a comme attiré dans ses filets d'une manière froide et fascinante. Plus je descendais dans son allée centrale, plus j'avais l'impression de descendre dans les sous-sols de la Terre. De plus en plus chaud, un chaud glacial, frigide.


Augusta changeait de visage pendant ma descente. Elle portait une robe en cuir noir, courte, quand j'arrivais. Elle avait maintenant les bras remplis de tatouages, le nez de piercings, et me bousculait lorsqu'elle passait à côté de moi. J'avais à peine saisi un morceau de sa nuque que j'étais déjà alcoolisé. Si Dieu descend danser la samba avec le peuple à Lapa, le diable t'attire chez Augusta et te fracasse contre de l'électro. Elle te donne envie comme ce jeune premier salement excité par sa première pute, comme si tu pouvais prendre une jeune fille naive et la descendre, l'enfoncer dans son malheur. Car ca te permettrait, toi, de plonger, et tu y prendrais du plaisir. Augusta est noire et inquiétante, sombre et provocante. Elle respire le pêché, on dirait qu'elle a été concue pour s'y perdre, avec un certain plaisir maso.


Augusta regroupe tous les jeunes un peu branchés de Sampa. Quand Lapa regroupe toutes les classes sociales, sans distinction, pour les faire entrer dans sa masse grouillante et joviale, Augusta garde le caractère élitiste de la métropole paulista. Le même qui voit la jeunesse dorée prendre l'hélico pour traverser la ville, le même qui donne envie à ces jeunes alternatifs d'entrer dans ce trash un peu plus à la mode.

Que se passe-t-il derrière ces murs? Que renferme les rires sarcastiques de la devanture de cette boite... Hahahaha, qui sinon le diable pour te trainer ici, sans relâche, jusqu'à ce que tu t'éprennes de sa créature, jusqu'à ce que tu y laisses ton dernier souffle. Lapa la belle mélancolique a laissé place à Augusta l'électrique. Dimitri le sensuel, l'incontrôlable, a été remplacé par Ivan, l'athée, le mal.


Est-ce qu'Augusta est surfaite, est-ce que les jeunes bourgeois qui veulent se défoncer la gueule sont les seuls qui tentent la séduire - est-elle désagréable ou bien fascinante, est-ce qu'elle m'intrigue ou me répugne, est-ce qu'elle m'attire ou me rejette, est-ce qu'elle me laissera me réveiller demain matin sans cette impression troublante et pâteuse d'avoir une inconditionnelle envie de la séduire, de la dominer.


Désolé pour les fautes d'ortographe et la qualité des photos.

samedi 20 novembre 2010

Copacabana : jour de plage

 Jeune brésilien bodybuildé lorsque le soleil est revenu ( applaudissement général) après un court moment nuageux :
"Jesus fez aparecer o sol. Puta que o pariu ! "  ( Jésus a fait apparaître le soleil. Sa mère la pute).





          Dans l'ascenseur lent de mon immeuble j'imagine l'effervescence de la rue d'en bas, la foule d'affamés se ruant sur les salgados du coin, les pâtisseries de l'autre coin et les churros du vendeur ambulant.
Chaleur étouffante, tout le monde sourit même ce travailleur qui transporte des bidons d'eau sur son triporteur. Le temps de marcher une centaine de mètres, me voilà sur l'avenida Atlântica. Elle prend tout son sens ce samedi où il faut zigzaguer entre les longboard et les vélos qui squattent cette route toujours bondée où les vans et les bus font normalement la loi.
Je me faufile entre les serviettes et trouve une minuscule place entre les deux familles des favelas qui jouent aux cartes et s'engueulent pour savoir quel gosse va pouvoir utiliser l'unique bodyboard défoncé.
Je n'entends pas un mot de leur conversation, le bruit des enceintes du tournoi de foot international d'à côté m'en empêche. Pour ce tournoi ils ont installé un pont au-dessus de la route pour relier la terrasse du Copacabana Palace aux tribunes du "Soccerex Football Festival".

Aujourd'hui tous les cariocas se sont retrouvés pour participer au rituel de l'après-midi plage. Les pauvres ramasseurs d'aluminium, les riches dandys qui sirotent sur des chaises longues et les familles métissées descendus du morro.  Peu nombreux sont les étrangers, le samedi d'été le brésilien reprend ses droits.
Parfois il y a des soubresauts qui pertubent ce calme d'un après-midi à 35 degrés. Les vendeurs de sandwichs    t'interpellent : "Hey Pschhhhh! Hey Pschhhhh! 4 reais sanduíche e coca. Beleza ?  ".
Il est relayé par ce gosse qui crie et me fait rire lorsqu'il passe et repasse en courant entre les chaises des pachas qui perdent leur sourire. Sa mère lui crie dessus, lui rigole, je regarde la famille un grand sourire sur la face et on se met tous à rire.
Ici sur Copa tout le monde se rejoint, se drague, se contemple, s'épie et se dit implicitement : " à toute à l'heure à Lapa ou peut-être à Samedi prochain".

Du son made in Brazil : Mc Marcinho - Glamurosa ( du Baile Funk la musique à la mode ici. )

 Seu Jorge - Tive Razão

La femme que tu aimes.

Lapa, 02:00.

Je l'ai rencontré dans la rue. Elle avait laissé ses amis un instant pour s'acheter les clopes qu'ils vendent à l'unité dans leurs botecas, et moi, moi j'avais prétexté une envie soudaine de chewing gum pour m'approcher. J'ai jamais été très doué pour les premiers mots, ni pour les premiers regards, et puis elle avait allumé sa cigarette d'une façon qu'on ne croit voir que dans les films. J'étais oxydé de séries américaines, j'ai trouvé ça sexy. Et puis elle est partie comme elle est arrivée, comme une bouffée de nicotine. J'ai crapoté. Je l'ai suivie. Je faisais les mêmes parcours qu'elle, je riais aux blagues de ses amies. Elles se sont arrêtées au café du coin où on joue de la samba à l'intérieur mais on l'on danse dehors. Elle a vaguement déplacé ses pieds d'une manière qui laissait présager qu'elle venait bien d'ici. Puis elle est repartie. Je ne sais pas si elle a senti que je la suivais, mais elle s'est retournée. Elle m'a offert un regard, quelconque ou presque.

Je ne savais comment continuer, aucune idée précise ne me venait. J'avais simplement envie de continuer, d'attraper quelques instants. Lorsqu'elle est rentrée dans cet endroit, j'ai globalement décidé que ça s'arrêterait là. Puis je suis rentré à mon tour. Il y avait bien trop d'espace pour prétexter me coller à elle alors j'ai simplement garder mon air mystérieux pour me différencier de ceux qui savaient danser. Ceux-là l'ont tous fait tourner, un par un, la vague de prétendants s'allongeait. Et elle les repoussait tous un par un, rejeté dans la masse comme ils y étaient entrés. Elle s'est approchée de moi, ou plutôt elle s'est approchée, j'avais presque atteint le moment de proximité que j'avais réussi à saisir tantôt. J'avais pensé à toute sorte d'approche mais la musique était tellement forte que je lui ai crié que plus je la voyais, plus je cherchais à la voir, plus je l'aimais. Elle a fait la moue pour m'exprimer son incompréhension devant mon accent, m'a bredouillé que j'étais français puis elle s'est éclipsée un peu plus loin pour un instant. L'instant d'après elle était dans les bras d'un autre homme. On aurait dit que l'amour avait été pour quelque chose dans cette tentative. L'amour, non! Une femme, peut-être. Lapa, certainement.


Elle est revenue. Elle s'est détachée des lianes du mâle et m'a parlé mais la musique était tellement forte qu'elle a utilisé les airs de samba pour me poser des questions banales. Elle m'a donné du mou pour m'exprimer qu'elle était d'accord, cette fois-ci. J'ai quitté la masse grouillante que j'avais l'impression de survoler. Elle m'a dit de l'inviter à danser. J'ai tenté de lui murmurer, mais je ne sais pas danser, j'étais déjà entraîné dans son mouvement. Elle m'a embrassé, j'ai bougé mes pieds d'avant en arrière, et mes hanches de gauche à droite. Elle m'a dit que c'était irrésistible, j'ai ri, en évitant bien de regarder tout le reste. Elle m'a dit qu'elle était gênée, alors je la suis lorsqu'elle me prend par la main pour m'emmener loin de la foule qui s'agite. Seuls dans la compagnie des autres j'ai du mal à saisir les mouvements de ses lèvres et le sens de ses baisers. Aujourd'hui encore je ne sais pas ce que signifiait ce murmure.

On est partis comme des adolescents, je lui tournais autour, je ne la laissais goûter que des bribes de ma bouche. Elle valsait sans quitter le trottoir, j'étais le marionnettiste. Dans ces moments-là je crois qu'un romantisme de bas étage vaut mieux que tout. Elle m'a pris la main. J'ai embrassé son épaule dénudée, en regardant au loin ses belles arcades. Dans la fin de la nuit, j'ai jeté un dernier regard à sa mélancolique agitation, à son tourbillon de vie. Mes poumons goudronnés, je l'ai laissé monter dans un taxi et elle est partie dans cette nuit comme elle y est entrée, comme une bouffée de nicotine.

Ma musique de samba préférée :

A flor e o espinho - Nelson Cavaquinho

jeudi 11 novembre 2010

Pensées nocturnes

       Il est trois heures du matin, je contemple Rio dormir profondément. En face de moi le Morro entouré d'énormes nuages rougeâtres qui m'entrainent dans leur vol lent et majestueux.
Les vrombissements lointains des engins à moteur sonnent comme le ronflement de la ville. Ils me rappellent qu'à tout moment elle peut se réveiller.
Les nuages m'emportent vers les dernières lumières allumées de l'immeuble d'à côté. Un noctambule à chaque étage. Mon regard remonte progressivement l'immeuble; j'entrevois des mains, des bras, des jambes, des formes bizarres qui déambulent sans aucun sens au milieu d'appartements joliment miteux.
A la fenêtre, le carnet à la main, je me demande si je suis le seul à espionner les autres, à les scruter, à les écrire.
Suis-je le seul que Rio inspire ce soir ? Peut-être suis-je moi même un personnage insignifiant dans le récit des mes compagnons d'insomnie ?
Je pars éteindre la lumière et laisse tomber la nuit ocre sur la petite cellule qui me sert de chambre, avec l'impression que l'on m'épie, que pour quelqu'un je ne suis qu'un rien au sein de son tout.  


Céu - Malemolencia                  Shad - Rose Garden


Attention, sol glissant


Pardon, je vais encore parler du conflit social, riches/pauvres, alors qu'on en parlait déjà et . Mais ça me trotte dans la tête, et puis c'est un petit bout de vie à Rio qu'il est essentiel de partager.




Samedi soir, 17h. On est invités à une grillade chez des mecs en cours d'administration de notre université. C'était à Alto Leblon - Leblon quartier le plus riche de Rio (du Brésil?), très blanc et très tendance (source: wikipédia). Alto Leblon c'est en fait un endroit où se sont réfugiés – c'est le mot - les personnes d'un certain revenu, puisqu'il n'y a que des condominios, c'est à dire des gated comunities, sécurités, gilets pare-balles, tout ça. On avait déjà visité un truc comme ça pour un appart : piscine(s), terrain de foot, bibliothèque, supermarché, tout est fait pour y rester. On était prévenus, mais on se disait, non, mais on ne les connait pas, ça peut être sympa.



En fait, j'ai passé une partie de la soirée à me demander pourquoi je ne les aimais pas, qu'est ce que j'avais contre eux, ou plutôt pourquoi je me sentais mal à l'aise. C'est con, parce qu'ils sont vraiment sympas, accueillants – et puis j'ai jamais autant parlé mal de quelqu'un, ça me déplait. J'avais pas envie de faire le mec, je suis l'ami des pauvres, tiens, un mec qui jette ses bouts de viande par terre, alors que des gens meurent de faim, monde cruel. Puis je me suis rappelé quand même qu'on était face aux futurs grands de la nation. Meilleure fac d'administration d'Amérique latine. Il y avait sûrement là un futur président, ou du moins les gens qui compteraient pour le Brésil. Dans le genre, j'ai vu chez une personne une photo de JFK avec un petit mot doux de ce dernier sur une étagère : "Ah bon, t'es la petite fille d'un ex-président, enchanté, moi c'est Lucas", monde cruel. Et là, je me suis rappelé que ces mecs avaient tout été voir Troupe d'élite 2, le film dont parle Laurent dans « Ouvrez les yeux », qui raconte comment les politiciens sont corrompus. Et qu'ils l'avaient tous adoré, que ça les avait choqué, non mais comment on va s'en sortir, les politiciens sont tous des pourris, tout de façon j'ai voté blanc en signe de contestation.



Mais mec, ces mêmes personnes vont accéder au pouvoir dans un certain temps, et vont refaire la même chose. Pourquoi? Parce qu'ils ont passé leur jeunesse no Alto Leblon, tout en haut du haut du haut du condominio. Ah oui, parce que la fête était dans la « zone de loisir » d'un immeuble, petit espace privatif tellement énorme que quand toi tu dis, « j'ai un appart à Paris où on peut aller sur le toit », tu passes pour un con. Non mais attends, tu prends un ascenseur au milieu du jardin pour y aller, comme si ça leur suffisait pas d'avoir 3 piscines. La vue de là-bas est vraiment significative : tu vois la plage d'Ipanema, en tout petit, parce que tu es très loin et très haut, et tu vois Rio, vaguement, caché par les arbres, par une petite fenêtre. Tu ne vois rien et tu ne veux pas voir. Et ça te va très bien de voir le reste du monde derrière tes branches.


Alors oui, mon école coûte 12.000 euros par moi mais je suis un mec humble, d'ailleurs tiens regarde, je parle avec le gardien et en fait c'est mon pote le gardien. Tu ne vois rien car chez toi tout peut se résoudre avec l'argent. Oh oui, c'est terrible le trafic de drogue. Est-ce que tu savais que des mecs-là n'avaient sûrement jamais pris le bus de leur vie? Hier soir on est arrivés et on s'est dit mon dieu, c'est fou cet endroit. Marin a trouvé ça tellement fou qu'en repartant il a volé un panneau « attention sol glissant » parce qu'ils sont quand même plus beaux ceux qu'ils ont. (Suite de l'histoire : Marin avait été filmé par la caméra de surveillance et a donc été réprimandé)


Pourquoi dire tout ça? Je ne sais pas, parce que ça me gêne de porter un jugement critique sur eux simplement parce que ce sont des gens terriblement riches. Mais finalement, ce ne sont pas que ça – ce sont des gens terriblement hors de la réalité. Ce ne sont pas eux qui me gênent, mais leur condominium à 500m de hauteur qui montre bien qu'ils ne souhaitent pas descendre de leur piédestal. Les futurs ministres ont des œillères, et leurs lunettes de soleil les empêchent de voir comment est le Brésil d'en bas – pas besoin d'y descendre de toute façon, on se fait livrer.


Allez, plus gai, une super playlist musicale à écouter si vous voulez sortir un peu du début de l'hiver :


jeudi 4 novembre 2010

C'est pas l'homme qui prend la ville, c'est la ville qui prend l'homme


"A cidade do Rio é uma pessoa com poética e com desejos proprios. Ha cidades que se movem sem rumo, mas o Rio resiste com suas esperanças e ilusões" Arnaldo Jabor
"La ville de Rio est une personne avec une poétique et des désirs propres. Il y a des villes qui se mouvimentent sans direction, mais Rio résiste avec ses espoirs et ses illusions"


Si tu vas à Rio, ta première vue est celle de l’aéroport, ces chaînes de montagne qui sous les nuages te laissent déjà rêveurs, mais dont la tranquillité semble trop ailleurs
Si tu vas à Rio, tu trouveras aux départs un taxi qui ne sera pas un escroc, demande-lui quel est son club de foot, s'il dit Flamengo c'est que t'aurais du prendre le métro
Sur le chemin jusqu'à la ville, prends garde à la zone Nord, à ces panneaux sonores qui te protègent des favelas que tu ne connais pas encore, à ces murs symboliques qui séparent le dedans du dehors
Si tu vas à Rio, commence par le Centro ; écrasé par les monuments historiques, tu les verras mêlés aux bâtiments pleins de fric ; sous les petits drapeaux du Saara, tu te mélangeras à la masse qui grouille, et aux senteurs qui en découlent. N'y reste pas trop tard, car l'agitation du jour n'a d'égal que le silence de sa nuit
Tu partiras par Catete, où le traditionnel de leurs maisons fait écho aux sourires sur leurs têtes
A l'Aterro du Flamengo, on te dira de ne pas t'aventurer seul ; mais la vue de la baie te fera rester un instant sous le paisible des palmiers
Mais si tu vas à Rio, reste un peu plus longtemps à Botafogo, tu t'y sentiras mieux qu'ailleurs ; car si Rio était un homme Bota n'est pas loin d'être son coeur
Deux artères principales, aux trottoirs agités, deux visages d'une même ville sont venus l'habiter
Et si tu manges un hot dog rue Volontarios da Patria, tu pourras y voir le sourire de la colorée Dona Marta
Si tu passes à Urca, salue le pain de sucre pour moi ; les singes qui l'entourent te feront entrer dans un Rio dont tu ne te doutais pas.
Si tu vas à Rio, Copa ne sera pas ce que tu préfères, mais derrière le Copacabana Palace, tu apprécieras tout de même une grillade et quelques bières
Suis les joggers jusqu'à Arpoador, ce rocher que les surfers squattent jusqu'à pas d'heure ; et après un coup d'oeil à la mosaïque lumineuse qui t'intrigue au loin, essaie de te frayer un chemin dans l'eau, entre tous les Marin
Si tu vas à Rio, passe par le Vidigal, et pour aller saluer ces gamins insupportables en cours de théâtre, il te faudra monter sur une moto un peu timbrée qui t'emmènera en haut, où la vue est la plus belle de tout Rio


Jette un coup d'oeil à la lagune avant de partir en soirée, tu verras entre deux montagnes l'amie Rocinha aller se coucher ;
Mais il se fait tard, et si ton ventre crie famine, arrête-toi dans un bar pour un mythique chalgad' plein d'huile.
Si tu vas à Rio, tu ne peux pas rater Lapa, et le bus qui t'y emmène est déjà dans une ambiance à part
A 23h, tu tentes de t'accrocher pour faire face aux secousses ; A minuit c'est au rythme de la samba que ta popozuda se trémousse
Entre les arcades et les grafs, sans faire gaffe au mouvement de tes pieds, les gens décompressent du taf pendant que tu tentes de trouver un espace entre tout ce monde qui s'enlace
Si les bâtiments tombent en ruines, les percus maintiennent l'endroit bien éveillé, et c'est au pied des marches de Santa Teresa, que le son du sax' ambré te rend mélancolique de la journée passée.
Mais si tu vas à Rio, tu finiras chez Chico, cette camionnette amicale où tu tripes entre potes autour d'un Cheese-tudo ; Et alors que sur le pain de sucre le soleil est en train de se lever, ton Rio s'endort au goût de ta dernière bouchée.




mercredi 3 novembre 2010

Obsession en commun

         Il y a une chose qui traverse mes nuits , mes rêves, mon sommeil, allez savoir pourquoi. Le métro et le bus , Paris et Rio. Ça n'a aucun sens et tout ça passe et repasse dans ma tête et m'obsède encore au réveil.
J'ai comparé le Brésil et la France, Rio et Paris en pensant aux moyens de transports et ma vie avec eux. Et j'ai saisi que l'âme de Rio se trouvait dans les bus, dans la folie des conducteurs, le flux continu presque insupportable des « ônibus » qui sillonnent la ville et qui malgré le trafic incessant paraissent rouler vite, très vite, trop vite. Le métro il ne vaut rien ici, il est propre, trop électronisé, personne ne parle, simplement il est pratique quand je vais en cours à sept heures du matin.
Quand je le prends je ne me crois pas à Rio, au mieux dans une ville surfaite de l'Asie Centrale où l'important c'est que ça brille et que tout se déroule comme prévu. Il n'y a ni bourrés, ni mendiants, pas de vrai musicien ou de faux chanteur. Il n'y a rien ni personne, aucune âme aucun intérêt.
Il n'y a pas l'odeur dégueulasse des bouches de métro parisiennes, ni la moiteur et la sueur sur les poignets à bascule du métro 4. Les veines de Paris ce sont ces lignes de métro qui perforent la ville, passent en-dessous de la Seine , entrent dans les catacombes et côtoient les égouts. Visiter Paris c'est connaître les roumains et leur mégaphone , les affiches publicitaires aux couleurs bien trop vives et au slogan bien trop fade , le désordre et le grouillement à l'heure de pointe.
Le sang de Rio de Janeiro quant à lui passe par les routes et s'écoule frénétiquement le long des voies à la fois envoûtantes et dégoutantes et aux noms introuvables sur les plans de métro : Perimetral , Avenida Brasil , Linha Amarelha , Linha Vermelha , Avenida Rio Branco , Rua Barata Ribeiro...
Passer le long des favelas et des cloaques nauséabonds de la Zone nord , traverser les étouffants tunnels de la zone Sud, acheter des cacahuètes ou des caramels aux vendeurs ambulants; tout ça sans jamais faire confiance à la dextérité du conducteur ni à la résistance du vieux moteur diesel.
Le bus c'est un condensé de la vie carioca parce qu'on aime sans jamais vraiment comprendre pourquoi et qu'à chaque voyage on attend l'inattendu.
Le métro c'est tout Paris, sa folie, sa belle laideur, sa beauté décadente et son cosmopolitisme.
Et toute la nuit, toute la journée les bus et les métros passent et passent sans cesse dans ma tête. Je ne sais si c'est les conséquences de la cuite d'hier,de la fatigue d'aujourd'hui ou des regrets de demain.



Não Me Deixe Só - Vanessa da Mata                          Buckshot Lafonque - James Brown I & II

mercredi 27 octobre 2010

Ouvrez les yeux !



    
         Dans moins d'une semaine les Brésiliens vont devoir choisir leur président et voter soit pour l'anticharismatique Dilma Rousseff , "créature" de Lula, soit pour l'anticharismatique José Serra , "créature" de Fernando Henrique Cardoso. Si l'on doit résumer il n'y a pas eu de renouveau , c'est ennuyeux à mourir et ça n'augure rien de bon .
Sans croissance économique le bilan de Lula serait mauvais. Tout le monde connait les beaux résultats de la "bolsa familia", la réduction spectaculaire de la dette et l'accès de pauvres à la classe moyenne mais c'est autre part que les choses se jouent. Malheureusement le Brésil est toujours au bord du gouffre , un peu plus loin qu'il y a dix ans mais il n'est pas loin d'y tomber tout de même.

 Il suffit de penser que les gosses auxquels Lucas et moi donnons des cours n'ont affaire à l'Etat qu'en cas d'intervention de la police militaire et à l'école où le professeur ( représentant de l'Etat) est bien plus animateur que source de connaissances. Alors que fait l'Etat brésilien?
Certains disent qu'il se goinfre , d'autres qu'il glande ; j'ai l'impression qu'il ferme les yeux et ne les ouvre qu'avant de rentrer dans le mur. L'Etat et les Brésiliens ferment les yeux parce que le blanc veut rester riche et le noir/le métisse est passif. L'ensemble de la société se complaît dans les mythes de "la terre d'avenir" et de la "démocratie raciale".
 
Le nouveau film à succès , Tropa de Elite 2 , oblige les citoyens à regarder pendant deux heures la réalité en face, de retirer leurs oeillères. Le film balaye tout : les miliciens soutenus par les politiciens qui contrôlent les favelas de la zone Ouest de Rio , les tueries dans la prison de haute sécurité de Bangu I , la collusion médias/ politiques ou encore l'extrême violence de la police. Tout le monde le voit ( 4 millions d'entrée en deux jours !) mais ça en reste là. Pour vous dire , le gouverneur de Rio de Janeiro, Sergio Cabral, directement visé dans le film vient d'être réélu avec 65 % des voix !
      J'ai l'impression d'une démocratie à la carte , d'une apathie citoyenne ; "pourquoi crier? Rien de va changer". C'est sur que si les Brésiliens ne bougent pas rien ne changera. Le noir restera pauvre et discriminé , l'Etat continuera à être corrompu , les plus pauvres vivront dans des zones ultraviolentes et le Brésil restera un éternel espoir.
Lula (et les autres ) ont beau se déplacer à droite à gauche , demander un siège au conseil de sécurité de l'ONU et faire des courbettes de Téhéran à Jakarta; le Brésil ne sera pas respecté tant qu'il ne se respectera pas lui-même.
 


De la musique contre mon péssimisme :
 


Chico da Silva - E preciso muito amor    Kero One - When the sunshine comes









lundi 18 octobre 2010

Favela rising


Mon pote, l'article sur Lapa attendra.


Je viens de finir le livre d'une de mes profs qui s'intitule « Gringo no Laje ». Le laje est la partie plate qui sert de toit aux maisons des favelas, ou plutôt aux constructions qui servent de maison. C'est un véritable espace de vie, et les tours dans les favelas s'y finissent généralement pour qu'on puisse admirer la vue.
J'ai l'impression de ne parler que de ça mais les « communautés » comme il faut les appeler ici (ce n'est pas du politiquement correct mais les habitants des favelas, les « moradores » les appellent comme ça, et à raison) me fascinent. Je suis arrivé au Brésil avec une conception toute faite du tourisme dans les favelas : du voyeurisme pour des abrutis qui restent bien derrière leurs vitres teintées à prendre des photos comme si ils étaient au zoo. Mon idée était de ne pas rentrer dans une favela si je n'avais pas une bonne raison pour le faire. Le fait de donner des cours de théâtre avec une ONG m'a donc fait voir de plus près ce que c'était, même si ça reste du tourisme solidaire, bref, moralement condamnable, je me donne une bonne conscience, tout ça. On m'avait dit que l'entrée dans une favela provoquait un choc ; la favela dans laquelle nous donnons des cours avec Laurent, qui s'appelle Vidigal, est une favela de la zone sud, juste derrière le quartier le plus riche de Rio (Leblon), et c'est celle qu'on voit sur les photos de la plage d'Ipanema, elle est au fond. De là-bas la vue est tout simplement magnifique. Elle est plutôt paisible en fait, il y a eu une guerre de gangs assez sanglante il y a un an mais depuis elle s'est calmée. Elle ne fait pas (encore) partie de ces favelas qui ont été prises par la police (les UPP), elle reste donc aux mains des trafiquants. Bref, je n'ai pas réellement eu de choc, je n'ai pas pleuré devant la pauvreté comme le mettent en avant -selon moi- les tours des agences. J'ai bien vu des mecs avec des armes tellement grandes qu'on aurait dit des jouets, mais l'impression que j'ai eu est que j'étais dans une autre ville ou pays, une ville à part entière, qui fonctionnait toute seule -magasins, dentistes, école- et qui était complètement hors de Rio, non-intégrée. C'est là que le terme de « communauté » prend tout son sens. En parlant avec des habitants, ils m'ont tous dits que c'était leur communauté, que jamais ils ne s'en iraient, que c'était chez eux. Pour imager un peu les choses : on arrive en bas de la favela, et tout de suite des 'moto-taxis' nous sautent dessus pour nous emmener en haut. Le voyage est plutôt sympa, pas trop rapide à cause des ralentisseurs (oui, il y a des ralentisseurs) et plutôt sinueux. Personne ne vous remarque ou ne s'étonne de votre présence. On arrive en haut, dans une sorte de stade où tous les enfants se réunissent pour jouer au foot ou lancer leurs cerfs-volants. Les cours se passent super biens, ils sont très agités mais aussi super motivés - ce sera pour un autre post. On redescend en général à pied, où l'ont peut d'avantage faire attention à tous les commerces, et au fait que tout le monde vit dans la rue, les maisons sont toujours ouvertes. Et on se sent en sécurité en fait, tu te dis vraiment qu'il y a beaucoup plus de chances de te faire voler à Copacabana qu'ici.
Pour revenir au livre, j'avais donc cette impression sur les tours dans les favelas. Le livre met en avant à la fois les raisons qui font venir le touriste, et ce qu'en pensent les habitants. Mon impression est toujours la même : les touristes affirment qu'ils viennent là pour sortir des sentiers battus, pour voir le vrai Rio, etc. Pour moi, c'est de l'hypocrisie, ils viennent pour voir ce que c'est qu'un pauvre, pour voir la violence, et ils seraient même bien contents de raconter qu'un échange de tirs s'est fait devant leurs yeux. Ils viennent pour se sentir mal – et, à terme, se dire qu'on a de la chance de pas être comme ça quand même. Bien sûr c'est une généralisation, tous ne sont pas comme ça, sûrement pas beaucoup même, mais c'est ce que m'inspire l'idée d'un "tour". C'est aussi amusant de voir comme ils pensent que leur venue va aider la communauté parce qu'ils ont acheté un coca dans ce bar, ou parce qu'ils pensent que l'agence donne de l'argent à la communauté. Ce n'est que très rarement le cas, et la majorité des moradores pensent même que le tour est gratuit, ou peu cher, ce qui prouve bien qu'ils ne voient pas la couleur des billets verts.
Ce qui est intéressant c'est d'avoir le point de vue des moradores : la présence des touristes ne les dérange pas (83% pensent que la présence des touristes est positive!), ils sont même contents de les voir, puisque cela met en avant le caractère spécial de leur communauté. Toutefois, tous affirment que s'ils faisaient visiter leur favela, ils montreraient ce qui y est fait de bien : les ONGs, les centres culturels... et pas ce qu'il y a de plus pauvre. Or, l'étude montre bien que c'est ce que sont venus voir les touristes, que c'est ce qu'ils prennent en photo. Ils viennent voir l'authentique, ils prennent en photo des poubelles, ou des intérieurs de maison. Je me rappelle d'un commentaire de Zelda qui disait, étonnée, « Mais ce ne sont pas des bidonvilles, tout est vraiment bien construit ». Les moradores veulent justement montrer que leur favela ce n'est pas ce qui est montré dans les journaux, ce n'est pas que la violence, ce n'est pas que la pauvreté. En ce sens, c'est positif, car les touristes, en visitant une favela, notent que ce n'est pas que « ça ». Quand ils en parleront, ils transmettront cette idée qui permettra de casser un peu le cliché. Mais de là à parler d'authentique, je ne sais pas, et d'ailleurs aucun brésilien ne fait les tours organisés par les agences.
Pour moi, le problème posé par ces tours relève de la définition même de la favela : est-ce un problème ou du patrimoine national? La naissance des favelas vient du fait qu'il était trop cher de louer des habitations près du centre ouvrier pour les gens pauvres, qui sont donc montés sur les montagnes où les riches ne voulaient pas aller. C'est donc un problème, la présence des trafiquants aussi est un problème. C'est un problème qui devrait être résolu, et non pas valorisé. Mais le dilemme reste présent parce que la culture qui rejaillit de ces communautés est exceptionnelle, le sentiment d'appartenance est quelque chose de beau, finalement. Les tours mettent en avant la culture locale, ce monde qui a été marginalisé et qui construit son identité propre. Or, le fait de développer ce genre de tours ne va pas dans le sens, à terme, d'une disparition des favelas puisqu'elle met en avant la culture d'ici et se fait du fric dessus. Ce n'est pas dans son intérêt que les favelas disparaissent.
La définition de la favela est devenue trop large, entre pauvreté, communauté, délinquance et culture marginale, pour que j'arrive à juger si les tours sont quelque chose de positif ou non. Au final, les touristes n'apportent rien de mauvais. J'aimerais simplement savoir quelle est la définition de la favela telle que conçue par les guides de tourisme, car ça m'étonnerait qu'on ait la même.
Supers musiques de deux chanteurs des 60's qui parlent de favela :

dimanche 17 octobre 2010

Rio deux visages


"Caroline! Caroline!
All the guys would say she's mighty fine
But mighty fine only got you somewhere half the time"


Je suis rentré chez moi en courant à 6h30, lever du jour. Je laissais derrière moi boite à 60 reais, mini jupes et bouteilles de champagne. J'ai couru pour le principe.
En arrivant dans mon salon, je savais qu'il serait là, assis sur mon canapé qui tombe en lambeaux de cuir. Je suis tout dégoulinant de sueur et il me dévisage à peine, il me regarde. Encore dans le brouillard de la nuit, je sors de la brume du matin pour comprendre qu'il est vraiment là. "Bonjour Fabricio".
Fabricio est un gamin que j'ai rencontré il y a peu, no Morro do Vidigal. Le genre mini-caïd, hyperactif, voiture jaune en plastique qui fonce dans les murs. Il s'est révélé plutôt doué en théâtre.

"
- Tu veux faire quoi plus tard? Acteur?
- Ah non! On m'a dit que les acteurs ils sont obligés de se déguiser en fille et je veux
pas.
- Mais au carnaval tout le monde se déguise en fille, non?
- Mais non, il y a juste les gays! T'es gay toi?
- Euh, non.
(Se tournant vers Laurent) - Et toi t'es gay?
"

Tous les deux on ne sait pas vraiment pourquoi on est en train de discuter dans mon salon. Je lui raconte mon week-end, ma soirée, les clichés européens, les riches brésiliens, l'impression désagréable des cris d'une foule sur une musique de Lady Gaga, les quatre voitures remplis de gringos qui rentrent dans une favela pour le fun (
histoire vraie, j'ai du gueuler sur Laurent pour pas qu'il ne frappe un norvégien insconscient qui nous a fait visiter la favela dans un sens puis dans l'autre). Je lui raconte qu'on a quitté une ville coloniale pleine de richesses pour se retrouver dans une boite où les gens s'ennuient globalement. Il ne m'écoute pas vraiment, il est déjà un peu parti.

"
- T'as des frères et soeurs?
- Oui, une soeur de 22 ans qui est à l'école, et deux frères, 17 et 19 ans.
- Ils sont à l'école aussi?
- Euh...
"

Il s'efface dans une dernière réponse un peu floue. J'ai à peine le temps de tourner la tête qu'il n'est plus là, mais je ne suis pas seul. Assise à sa place une jeune femme, 18 ans, robe noire, courte, des traces de maquillage et des restes de rouge à lèvre. Je ne connais pas son nom, je l'ai simplement entrevue la nuit dernière. "J'adore les français", qu'elle m'avait dit. Elle habite à Leblon, vue sur la mer, elle était rentrée en taxi, avec un français. Elle me regarde.


"- Qu'est-ce que tu fais là?
- C'était sympa cette soirée, tu trouves pas? J'ai adoré la boite."

Notre conversation est faite de banalités. Elle me raconte comme son projet est de reprendre la boite de son père, qui a 28 filiales dans tout le Brésil. Elle me parle de ses soirées à Barra da Tijuca - le Miami brésilien- de ses discothèques, de sa limousine, de son condomiminium. Ca doit être super agréable de vivre dans une gated community, j'en avais visité une qui avait un combo piscine-terraindefoot-supermarché-grilles à l'entrée où tout est fait pour que tu ne sortes pas et où les seules personnes de couleur sont les portiers. Elle me parle de son Brésil, de paillettes dégoûtantes, de son Rio qui ne sort pas d'Ipanema, de sa peur de rentrer en bus parce que c'est dangereux, si t'avais pris le bus une fois dans ta vie tu verrais qu'en fait y a juste des gens qui dorment, un mec qui te fait passer par un tourniquet et des secousses, beaucoup de secousses, qui font que ta ballade n'est pas si différente que dans les bus européens. Le taxi c'est sympa aussi, j'arrive en général toujours à tenir une conversation quand j'entame celle-ci par un "tu supportes quel club ici toi?". Elle me parle de son Rio, de son absence de réalité, de son petit nuage avec vue, de loin, sur le Vidigal, cette favela esthétique où, au même moment, Fabricio se réveille.




mercredi 13 octobre 2010

Les deux pires jours de ma vie.

              Notre voyage était programmé : Rio de Janeiro -Teresopolis-Petropolis-Rio de Janeiro. Manque de place dans les auberges et nous voilà embarqués dans un « road trip » avec 15 Erasmus avec qui les premiers contacts avaient déjà été sans intérêt.
Le choix de la destination était Ouro Preto et les Minas Gerais afin de pouvoir profiter du calme des montagnes et de la force historique de la région.
Lucas , Léo et moi nous nous retrouvons avec l'ineffable norvégien dont le nom imprononçable doit probablement s'écrire comme ça : «  Trickvuen ». Ce nom de chanteur de punk islandais n'augurait rien de bon. Après que la copilote danoise a lâchement abandonné son ami nordique , par dévotion et aptitude à peu dormir je me retrouve devant, avec l'infâme barbu nordique.
Nous échangeons des banalités qui pourraient faire partie du livre : « les conversations les plus inutiles de l'histoire de l'humanité ». Ça a tout de même duré quatre ou cinq heures , certainement les plus longues de ma vie.
Après dix heures de route au lieu de six nous voilà arrivés dans la ville qui durant deux siècles a produit la moitié de l'or mondial. Il y a en plus des musées et des mines ,  vingt-trois églises considérées comme magnifiques à visiter. Et puis le soir la fête s'annonce folle car c'est la semaine de commémoration des quatre-cents confréries de la cité.
Lucas , Marin et moi rejoignons un ami brésilien et faisons le tour des fraternités qui nous ouvrent leur porte et leur frigo. La bière nous fait un bien fou et on n'oublie l'attitude enfantine des étrangers qui nous ont servi de conducteur. Un peu de répit après cette nuit et cette matinée où la pensée la moins violente que j'ai eu,   a été de siphonner les réservoirs d'essence pour qu'on puisse rester ici au milieu des montagnes.

Le lendemain la bande à « Trickvuen » a décidé que nous allions rouler toute la journée pour rejoindre Cabo Frio , station balnéaire fade, quelconque, sans intérêt à deux pas de Rio de Janeiro. Vous imaginez la chose : en deux jours nous avons fait l'équivalent d'un Lille-Bordeaux-Strasbourg. Ils ont dû sécher les cours de géographie !
Je vous passe les cris , les engueulades , les insultes et les soupirs qui ont marqué la fin du Week-end. Après une dernière bière pas fraiche sous la pluie au bord d'une lagune puante, nous repartons en bus vers Rio de Janeiro.
Une journée vide , insignifiante et nous voilà parés pour une soirée avec des brésiliennes qui selon les dires d'une amie adorent les français. Jackpot !
Après un nouveau raté dans le choix des transports , les bises s'échangent au milieu du salon avec vue sur la lagune. Première réaction animale : «  Elles sont bonnes et riches ».

Tous en chemises , toutes en talons et tous à attendre de pouvoir rentrer dans la boite. Il y a plus de monde qu'à un concert de Madonna! Collés à des « poufs » de 18 ans qui me disent qu'elles ont choisi les études d'administration « parce que les sciences sociales ça paye pas! » , je transpire et je commence à comprendre que je me suis encore fourré avec des cons.
Dans la boite nous sommes tous différemment semblables. Tous blancs , tous riches , tous cons. Bien sûr , certains ont mis une chemise rouge d'autres bleue , certaines ont enfilés des leggings d'autres des collants mais nous sommes parfaitement uniformisés , bridés , conditionnés.
Je me suis amusé ( le mot est fort !) un moment à compter le nombre d'hommes qui avaient une chemises à carreaux. Impossible ils étaient trop. Et que dire des cris de mouettes affamées toutes les deux chansons : «  Ah c'est ma chanson! ». Écoute un peu merde , c'est du Lady Caca ! C'est la chanson de tout le monde, sale pouffiasse !
Tous les mêmes , les mêmes goûts ,la même façon de danser, la même carte bleue gold.
C'était 75 reais , je n'étais même pas saoûl mais ivre de rage.
Je décide donc de rentrer à pied . Il est tard je marche vite la tête plein de pensées sanguinaires. Je zigzague entre les terrasses désormais vides et les camions de livraison ; et là à ma droite , à deux pas de chez moi, cette famille. Ils sont là par terre dans le coin d'un porche crasseux d'une des rues les plus riches de la ville. Trois enfants et leur mère croupissent là dans les déchets que nous avons jeté , au cours de la journée sans y porter attention. Nos rejetés agglutinés dans nos rejets.
J'ai frémi , ma gorge s'est noué à m'en faire mal , mes yeux se sont remplis de larmes que j'ai balayé d'un revers de manche. Je n'ai pas pleuré mais c'était trop. Je me suis arrêté là devant eux et ils dormaient sans se rendre compte de mon regard vide et plaintif.
L'espace d'une seconde j'ai pensé à dormir là avec eux. Depuis 3 jours je fréquentais ceux qui condamnaient ceux là et j'étais complètement misanthropique. Mais ces gens-là ne cachaient pas leur puanteur sous des montagnes de parfum , comme nous. Ils étaient dignes dans la douleur , dans la répugnance. J'ai pensé à me coller à ces enfants si frêles.
Et puis je suis parti.



Seu Jorge - Burguesinha                                               Milk, coffee and sugar - Alien

THE REVOLUTION WILL NOT BE TELEVISED


Aujourd'hui j'ai d'mandé à Papa ce que c'était qu'une révolution, et il m'a dit que je le découvrirais plus tard, et que si je le découvrais pas, c'est qu'il fallait que j'en fasse une moi-même. Moi j'ai dit que j'ai rien compris. Il m'a dit qu'à mon âge, on ne comprenait pas la politique. La politique c'est vrai que je sais pas vraiment ce que c'est. Mais en ce moment j'sens qu'il s'passe quelque chose, quand même. Surtout à la télé, tous les soirs on voit passer tout plein de mecs qui nous disent tous un numéro différent. Des fois j'essaie de zapper mais c'est comme ça sur toutes les chaines. C'est bizarre comme truc parce qu'à chaque fois ils disent la même chose, je suis contre la corruption, je suis pour l'éducation, votez 4239, votez 8245, et puis leur tête change toutes les 5 secondes. C'est pareil quand j'ai été me balader au centre ville avec mon copain Fabricio. Il y avait des énormes affiches tout le temps et des fois quand tu passes par la place centrale il y a des gens qui crient. Fabricio il vit dans une communauté, il m'a dit c'est comme ça qu'il faut l'appeler et pas favela. Il m'a dit que ce négocio des affiches c'était encore pire dans sa communauté. Il m'a dit qu'il y en a partout, encore plus. Il m'a dit que souvent des gens importants viennent et des fois il y en a qui lui donnent des casquettes, et une fois il y en a un qui a donné de l'argent ou un truc comme ça, il a pas bien compris lui non plus, mais du coup maintenant il faut voter pour lui parce que c'est le plus sympa. Moi on m'a dit que le plus sympa, c'était Tiririca, il est drôle et lui son passage à la télé il est pas comme tout le monde, au moins. J'ai pas retenu tout le monde mais il y en a un que j'ai trouvé bizarre, sur son affiche il y avait écrit 'militar e gay', moi j'ai demandé à papa ce que ça voulait dire et il m'a dit que c'était les hommes qui se déguisaient en femmes. Moi j'en ai vu plein au carnaval des comme ça. Je voudrais bien être acteur, ça se trouve on me demandera des trucs comme ça. Sinon au milieu de toutes les affiches des fois c'est dur de s'y retrouver.


Moi ça m'intéresse quand même, des fois je pique le journal de papa et j'essaie de lire beaucoup et de comprendre un peu. Mais bon, je comprends pas toujours, et puis les noms se ressemblent, PT, PSD, je sais pas quoi.. Je connais juste le plus important, c'est Lula. Lula tout le monde l'aime alors je me dis pourquoi pas moi. Sauf mon Papa, il l'aime pas trop. Je lui ai demandé pourquoi et il m'a dit que c'est parce qu'il payait des gens pour avoir des votes. J'ai pas compris encore une fois. Je crois pas qu'il ferait ça Lula. Et puis Papa dit qu'il a pas tenu ses promesses. Moi je trouve ça dur de dire ça quand même, c'est un peu exagéré, parce que lui il tient pas toujours ses promesses non plus. Papa m'a dit que lui était pour Plinio. Moi je le connais pas mais on m'a dit qu'il avait aucune chance de gagner alors je sais pas pourquoi Papa est pour lui. Quand j'ai demandé pourquoi on m'a dit que c'est parce qu'il disait des choses que les gens avaient pas envie d'entendre. Alors moi j'ai répondu que ce qu'ils disaient tous à la télé moi j'avais pas envie de l'entendre non plus mais que j'étais obligé. Et puis c'est pareil, dans la rue y a toujours des gens qui me donnent des tas de papiers avec des tas de numéros et des tas de photos ou y a des gens qui sourient. Moi j'en veux pas de leurs tickets mais ils ont l'air tellement tristes ceux qui me le donnent que je les prends et je fais une collection. Y en a même que j'ai en double maintenant. J'ai voulu lui échanger à Fabricio, contre sa casquette mais il a pas voulu. Fabricio il m'a dit qu'il s'en fichait de la politique alors pour pas qu'on se fâche j'ai dit que moi aussi de toute façon. Mais quand je rentre le soir j'allume quand même la télé, et je les regarde tous, et j'écoute mon père qui grogne contre un, puis l'autre, c'est un voleur, c'est un escroc, puis quand Lula passe à la télé il se tait et il fait la moue et puis il parle de révolution.

The Revolution will not be televised

Caetano Veloso - Parque industrial

Ah, ce bon vieux Jack

Ah, ce bon vieux Jack


- La première fois que j'ai vu Jack c'était en cours, je me souviens.

- Oui, moi aussi. Je l'avais pas remarqué avant.

- Tu m'étonnes.

- Faut dire que là elle avait quand même un bandeau sur l'oeil quoi.

- T'es vache, c'était un pansement.

- Ouais bref, toujours est-il qu'elle avait de l'allure. Entrée impressionante. J'avais pas prévu de la séduire à ce moment-là.

- On avait pas prévu de la séduire à ce moment-là. Moi perso j'étais contre.

- Et puis est venu le soir, THE night quoi. Elle avait toujours son pansement et moi j'avais une bière à la main.

- Essaie pas de mettre ça sur le dos de l'alcool, y avait attirance c'est tout.

- Non non mais je ne remets rien en question hein, j'avais envie j'avoue.

- Safado.

- Ouais bon, tu te calmes la bonne conscience là. Enfin, elle était venue danser avec moi, je pouvais pas prévoir qu'elle me kiffait quoi.

- « Je pouvais pas prévoir... », non mais l'autre. Hé ça va hein, Brad Pitt, on se calme. Donc là elle m'a abordé et moi j'ai pas dit non.

- J'ai pas dit non, j'ai pas dit non parce que je pensais que j'allais la déglinguer.

- Sois pas vulgaire comme ça.

- Oui enfin moi j'avais quand même prévu de me faire plaisir et puis elle a fait sa prude quoi.

- T'as surtout fait le con, tu dis pas à une fille qui te demande si tu vas la larguer le lendemain « ça dépend ». C'est pas hyper gentleman.

- M'en fous je suis pas un gentleman, t'as cru que j'allais l'épouser ou quoi.

- Moi non, mais elle oui.

- Ouais toujours est-il que chez Jonas moi je me doutais de rien.

- Arrête, tu te doutais de rien, tu l'as évité tout l'après-midi.

- Je te signale que toi aussi tu l'as évité tout l'après-midi.

- Oui je te ferais remarquer que nous sommes la même personne.

- Oh, me soule pas, c'est déjà chiant de partager co-habiter avec toi en permanence.

- Moi je ne voulais pas spécialement l'éviter, mais t'étais tellement en manque que j'ai fait ça par charité.

- Mais oui, c'est ça. Si t'avais pas été aussi gentil on se serait jamais fait embarqué dans un traquenard comme ça. Donc là elle me coince et elle me demande pourquoi je l'embrasse pas.

- Hahaha, le con.

- Non mais je lui réponds quoi moi?

- Toi t'as rien dit, c'est moi qu'ai du prétexter que j'étais gêné en public.

- C'est vrai remarque que t'aimes pas quand on embrasse quelqu'un et qu'il y a du monde.

- Change pas de sujet, toi.

- C'est là qu'elle m'emmène dans la chambre.

- Hahaha, ce que j'ai pu me marrer à ce moment là. T'aurais vu ta tête.

- J'ai la même tête que toi ducon.

- Je me souviens que j'ai vu Lucas qui se marrait bien dans le coin.

- Il m'a même pas sorti de la merde ce connard. J'étais dans la chambre, elle me parlait de ses parents et de comme j'étais génial...

- De comme ON était génial tu veux dire.

- Et Lucas il est juste monté pour admirer le spectacle.

- Tu voulais qu'il fasse quoi? On s'est foutu dans la merde tout seul.

- N'empêche que moi j'avais pas envie d'aller manger chez ses parents!

- Oui bah c'est ton problème, t'avais qu'à pas réfléchir avec ta bite.

- Fais pas le coincé, avoue que toi aussi t'as kiffé quand on l'a ramené chez nous.

- Me prends pas par les sentiments. Moi je l'aimais bien, j'avais envie de discuter avec elle.

- Oui bah moi j'avais surtout envie qu'elle se taise et qu'elle me laisse tranquille.

- Attends, t'as pas trouvé ça trop touchant qu'elle te dise toutes ces gentillesses pendant l'amour?

- T'es vraiment un romantique, c'est dégueulasse.

- Faut bien qu'il y en ait un pour rattrapper tes conneries de safado. N'empêche que je me suis bien marré quand j'ai vu qu'elle était à fond sur toi et que ça te faisait flipper. Le mec, il se la joue grand séducteur, « one night one shot », et il se retrouve avec une fille qui le colle. C'est une belle morale quand même.

- Perso, je trouve pas. C'est nous la victime dans l'histoire.

- Exactement! Moi je suis victime de tes conneries, oui.

- Tu me prends jamais au sérieux de toute façon.

- Pauvre con.

- Toi-même.

J'en déduis que c'est ce qui s'est passé dans la tête de mon cher collègue durant cet épisode. Alala, sacré Jack. Pour un fond musical adapté à sa belle histoire d'amour :

Você me apareceu - Kaléidoscopo

Ela é carioca - João Gilberto