dimanche 8 mai 2011

Le port, cet inconnu.


« La lourde impartialité de l'ennui, répartissant l'ombre sur toutes choses égales, l'air stagnant sur une trouée d'oiseau clair » Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal.



Le port de Rio me fascine, je n'y ai jamais vu personne ; enfin, un petit casque blanc là-bas et c'est peut-être une mouette recroquevillée.
Je n'en ai jamais trouvé l'entrée, que je crois majestueuse, terrible comme ces tankers ; ces portes que l'on rechigne à franchir. Au milieu des grues, des poutres en métal gris, des montages incompréhensibles et imposants, de la rouille et de la rouille encore, et des pontons où viennent s'accoster des bateaux sans nom, sans pavillon, sans identité.
Le port les accueille tranquillement, avec le peu qu'il a et toute sa générosité, « venez contre moi mes oubliés ».
Ces bateaux aux formes géométriques incongrues, peuvent-ils seulement flotter loin du ponton et que transportent-ils ?
Encore ces choses qu'on ne connaît pas, celles qui nous font rire avec leur nom en « ose » - lactose, galactose-, ou en « on » - lithion- ou c'est peut-être en « um »- lithium.

Les hommes qui montent ces broutilles des jours durant, face au vent sec de la baie, personne ne les connaît non plus. Inexistants, pions de notre quotidien que l'on relègue d'un regard désappointé chaque fois que l'on passe devant le port noir et répugnant. Ont-ils seulement un statut en dehors des quais puants ?  Se réfugient-ils, la nuit tombée, dans les bras du port, sur le ponton, une bouteille à la bouche, pour faire passer le temps et le relent ?

Et les bâteaux menaçants, plein phare, ceux que l'on voit du haut du pont de Niteroi, qui les conduit ?
Des navires de guerre près à détruire le centre de Rio, si beaux loin des docks rongés de Niteroi, peut-être les chaloupes sans vie du port. Les croire guerriers parce qu'on les méconnaît, ils sont loin comme mille et un points éparpillés sur le lac de Guanabara.
Les grandes tours brillantes regardent avec peur l'invasion des inconnus moqués, des fluminense sur les carioca, des plus faibles par la mer ; mais ils n'ont pas même regarder, les négligés le resteront.

Et à la fin de la traversée du pont, revenu du côté de Rio, les vaisseaux, un instant menaçants ont perdu leur face belliqueuse, redevenus points ocres misérablement imperceptibles. De nouveau, la vengeance à échouer, pas de Grand Soir ; cette nuit encore l'inconnu le restera, les marins n'auront été des héros que le temps d'une traversée. Les sacs et les poutres les attendent, l'ennui et l'air stagnant aussi.  




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