mercredi 13 octobre 2010

Les deux pires jours de ma vie.

              Notre voyage était programmé : Rio de Janeiro -Teresopolis-Petropolis-Rio de Janeiro. Manque de place dans les auberges et nous voilà embarqués dans un « road trip » avec 15 Erasmus avec qui les premiers contacts avaient déjà été sans intérêt.
Le choix de la destination était Ouro Preto et les Minas Gerais afin de pouvoir profiter du calme des montagnes et de la force historique de la région.
Lucas , Léo et moi nous nous retrouvons avec l'ineffable norvégien dont le nom imprononçable doit probablement s'écrire comme ça : «  Trickvuen ». Ce nom de chanteur de punk islandais n'augurait rien de bon. Après que la copilote danoise a lâchement abandonné son ami nordique , par dévotion et aptitude à peu dormir je me retrouve devant, avec l'infâme barbu nordique.
Nous échangeons des banalités qui pourraient faire partie du livre : « les conversations les plus inutiles de l'histoire de l'humanité ». Ça a tout de même duré quatre ou cinq heures , certainement les plus longues de ma vie.
Après dix heures de route au lieu de six nous voilà arrivés dans la ville qui durant deux siècles a produit la moitié de l'or mondial. Il y a en plus des musées et des mines ,  vingt-trois églises considérées comme magnifiques à visiter. Et puis le soir la fête s'annonce folle car c'est la semaine de commémoration des quatre-cents confréries de la cité.
Lucas , Marin et moi rejoignons un ami brésilien et faisons le tour des fraternités qui nous ouvrent leur porte et leur frigo. La bière nous fait un bien fou et on n'oublie l'attitude enfantine des étrangers qui nous ont servi de conducteur. Un peu de répit après cette nuit et cette matinée où la pensée la moins violente que j'ai eu,   a été de siphonner les réservoirs d'essence pour qu'on puisse rester ici au milieu des montagnes.

Le lendemain la bande à « Trickvuen » a décidé que nous allions rouler toute la journée pour rejoindre Cabo Frio , station balnéaire fade, quelconque, sans intérêt à deux pas de Rio de Janeiro. Vous imaginez la chose : en deux jours nous avons fait l'équivalent d'un Lille-Bordeaux-Strasbourg. Ils ont dû sécher les cours de géographie !
Je vous passe les cris , les engueulades , les insultes et les soupirs qui ont marqué la fin du Week-end. Après une dernière bière pas fraiche sous la pluie au bord d'une lagune puante, nous repartons en bus vers Rio de Janeiro.
Une journée vide , insignifiante et nous voilà parés pour une soirée avec des brésiliennes qui selon les dires d'une amie adorent les français. Jackpot !
Après un nouveau raté dans le choix des transports , les bises s'échangent au milieu du salon avec vue sur la lagune. Première réaction animale : «  Elles sont bonnes et riches ».

Tous en chemises , toutes en talons et tous à attendre de pouvoir rentrer dans la boite. Il y a plus de monde qu'à un concert de Madonna! Collés à des « poufs » de 18 ans qui me disent qu'elles ont choisi les études d'administration « parce que les sciences sociales ça paye pas! » , je transpire et je commence à comprendre que je me suis encore fourré avec des cons.
Dans la boite nous sommes tous différemment semblables. Tous blancs , tous riches , tous cons. Bien sûr , certains ont mis une chemise rouge d'autres bleue , certaines ont enfilés des leggings d'autres des collants mais nous sommes parfaitement uniformisés , bridés , conditionnés.
Je me suis amusé ( le mot est fort !) un moment à compter le nombre d'hommes qui avaient une chemises à carreaux. Impossible ils étaient trop. Et que dire des cris de mouettes affamées toutes les deux chansons : «  Ah c'est ma chanson! ». Écoute un peu merde , c'est du Lady Caca ! C'est la chanson de tout le monde, sale pouffiasse !
Tous les mêmes , les mêmes goûts ,la même façon de danser, la même carte bleue gold.
C'était 75 reais , je n'étais même pas saoûl mais ivre de rage.
Je décide donc de rentrer à pied . Il est tard je marche vite la tête plein de pensées sanguinaires. Je zigzague entre les terrasses désormais vides et les camions de livraison ; et là à ma droite , à deux pas de chez moi, cette famille. Ils sont là par terre dans le coin d'un porche crasseux d'une des rues les plus riches de la ville. Trois enfants et leur mère croupissent là dans les déchets que nous avons jeté , au cours de la journée sans y porter attention. Nos rejetés agglutinés dans nos rejets.
J'ai frémi , ma gorge s'est noué à m'en faire mal , mes yeux se sont remplis de larmes que j'ai balayé d'un revers de manche. Je n'ai pas pleuré mais c'était trop. Je me suis arrêté là devant eux et ils dormaient sans se rendre compte de mon regard vide et plaintif.
L'espace d'une seconde j'ai pensé à dormir là avec eux. Depuis 3 jours je fréquentais ceux qui condamnaient ceux là et j'étais complètement misanthropique. Mais ces gens-là ne cachaient pas leur puanteur sous des montagnes de parfum , comme nous. Ils étaient dignes dans la douleur , dans la répugnance. J'ai pensé à me coller à ces enfants si frêles.
Et puis je suis parti.



Seu Jorge - Burguesinha                                               Milk, coffee and sugar - Alien

1 commentaire:

  1. "Nous échangeons des banalités qui pourraient faire partie du livre : « les conversations les plus inutiles de l'histoire de l'humanité ». Ça a tout de même duré quatre ou cinq heures , certainement les plus longues de ma vie. " - Je sens un peu , mais juste un peu d´ haîne là! mdr

    Et: "des pouffes de 18 ans qui me disent qu'elles ont choisi les études d'administration « parce que les sciences sociales ça paye pas! ".. Franchement! Le pire est que c´est ça en plus.. . Pas que nous soyons toutes des pouffes, mais si si.. on a choisi de l´administration car ça paye plus (en théorie...). Mais si TOUT le monde fait de l´administration ça se trouve que dans la futur l´administration payera moins n´est pas?! (On est dans la m*%$# alors - deux fois en plus.. car on se nourrit pas ni d´ouverture d´esprit ni d´argent!)
    J´espère bien faire partie des exceptions!

    Bon choix musical! xD

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